Déchets plastiques : Le recyclage n'est-il pas juste un mirage ?
Les déchets plastiques submergent les terres, les fleuves, les rivières et les océans. Le recyclage des plastiques est annoncé comme la solution miracle, bien qu’on peine à atteindre un taux de recyclage de 2% des plastiques en circuit fermé et 8% en circuit ouvert. Le mirage du recyclage des matières plastiques voile la seule vraie solution : réduire notre utilisation et production de plastique.
Le gouvernement français a fixé un objectif de « 100% des plastiques recyclés à l’horizon 2025 » en juillet 2018. Toutefois, force est de constater les écueils de ce plan à la vue de la faible possibilité de recyclage du plastique. Par ailleurs, ce type de message dédouane la société de l'emploi du plastique et des montagnes d'emballages plastiques en pensant que ces déchets n’auront pas d’impact environnemental, car recyclés. Le recyclage parfait en circuit clos (réutilisation à l’infini de la matière) est-il réellement possible ? Annoncer un recyclage massif du plastique, n’est-il pas plutôt une façon de valider notre système consumériste ? Ne serait-il pas plus sage de se tourner vers d’autres matières plus respectueuses et réellement recyclables pour conditionner nos produits (comme le verre, l’acier et le carton) ?
Comment sommes-nous en arrivés là ?
Le plastique a vu le jour au début des années 60, suite à la découverte de la pétrochimie. Des prix Nobel ont même été attribués en 1963 pour la mise au point de catalyseurs permettants la polymérisation des polyéthylène et polypropylène.
l'ère plastique, comme souvent nos 50 dernières années sont appelés, est due à une indifférence continue de toutes les parties. Le développement économique permis grâce au plastique à été prioritaire à la flore et la faune. Le plastique s'est répandu dans tous les secteurs d'activités par facilité et pour un coût économique faible sans prendre en compte les répercussions écologiques.
Ces dérivés du pétrole sont aujourd’hui répandus dans les emballages alimentaires et ceux de la livraison de repas. Compte tenu de leur utilisation massive, ces plastiques sont aujourd’hui problématiques. La masse de plastique jetée est tel que même la Chine, a arrêté de vouloir être la poubelle du monde et a fermé ses frontières aux déchets plastiques venant de l'étranger. Aujourd'hui le recyclage ne semble pas être en mesure de pouvoir répondre à la situation et voici pourquoi :
Une production de plastique toujours en hausse
Le plastique a indéniablement permis à de nombreux secteurs d’activité de notre quotidien de progresser : bâtiment, automobile, électronique, aéronautique et en premier lieux l’alimentation. Emballage peu couteux, il propose à l’époque une véritable avancée en matière de sécurité alimentaire. Protégeant des contaminations (chimiques ou bactériennes), préservant la qualité et permettant de tracer plus facilement les produits le plastique ne présentait au début que des effets bénéfiques. Le tout, par sa protection, réduisant les pertes et gaspillages alimentaires à travers le monde.
Aujourd’hui les dérives de son utilisation sont décriées de toutes parts. Suremballages, utilisation excessive, explosion des livraisons de repas à domicile et à emporter, le plastique est employé par facilité et surtout pour son coût financier faible. La production actuelle de plastique est en route pour doubler d’ici 2040, alors que nous produisons déjà 300 millions de tonnes de plastique chaque année dans le monde (60 en Europe, voir graphique).
40% de ces plastiques sont à destination des emballages alimentaires (barquettes, pot de yaourts, bouteilles d'eau, bouteilles de soda, etc.) et finissent à la poubelle seulement après quelques heures d’utilisation. Ils mettront après 400 ans à se décomposer. Plus grave encore, au bout de plusieurs dizaines d’années ils se dégradent au stade de nano plastiques. Cela donnera la possibilité aux plastiques de pouvoir traverser nos barrières tissulaires humaines et venir se coller sur nos organes (foie, cœur, poumons). Nous en méconnaissons encore aujourd’hui les conséquences, mais il est fort à craindre qu’elles devraient être graves (recrudescence de cancers et d’impotences sont annoncés).
Où finissent nos déchets plastique
Les nano plastiques ont également été aperçus dans l’eau embouteillée, le sel, les poissons et fruits de mer et le miel ! Ces découvertes ont mené à une mobilisation importante pour réduire et éradiquer les continents de plastiques flottants dans les océans. Cependant, la visibilité des plastiques dans les océans occulte la triste vérité: elle ne représente que 8% des plastiques jetés. La très large majorité (plus de 80%) est enfouie dans les décharges ou est jetée sauvagement dans la nature.
Chaque année, en Europe, nous jetons individuellement l’équivalent de notre poids en plastique. Prenant la totalité de plastique utilisé et jeté, puis divisé par la population, la moyenne mondiale de plastique consommé par personne est de 40kg. Elle est de 63kg en Europe et même de 68kg en France ! Une aberration alors que nous souhaitons tendre vers une économie circulaire, vertueuse pour l'environnement et surtout durable.
1. Enfouissement et jets des déchets plastique
25% de cette masse de détritus plastique est répartie entre incinération et recyclage. Entre 35% et 50% finissent de manière incontrôlée dans la nature et entre 25 et 40% finissent en enfouissement ou bien arrivent dans nos textiles (polaires, maillots de sports, sac à dos). Ces derniers finiront à terme dans la nature (avec à chaque lavage une partie qui se détachera pour finir dans les cours d’eau) ou en enfouissement. On retarde juste l’échéance, mais plus des trois quarts des plastiques utilisés arriveront dans nos terres, les cours d’eau potable et nos océans.
2. Incinération des déchets plastique
Bien qu’il n’y ait pas de mesure stricte au niveau national ou international, en fonction des différents rapports, le taux d’incinération est estimé à 10-15%. Le plastique (matière dérivée du pétrole) libère beaucoup d’énergie à l’incinération et est bénéfique en ce sens. Toutefois, cette incinération de plastique libère également de nombreux composants volatils chimiques (Bisphénol A) et matières brulées toxiques. Ces dernières seront stockées sans perspectives.
3. Le recyclage des déchets plastiques
Dernier de cette liste, le recyclage est réparti entre deux sous-catégories, celle où le plastique est recyclé en circuit ouvert et celle où il est recyclé en circuit fermé:
Le recyclage du plastique en circuit ouvert définit les plastiques recyclés, qui une fois recyclés ne pourront pas l'être une deuxième fois (textiles). Il inclut également ceux qui nécessitent une injection de plastique neuf pour faire un nouveau produit. Nommer cela un recyclage à usage unique est donc plus pertinent que de réellement appeler cela recyclage.
Le recyclage du plastique en circuit fermé est le rêve irréalisable de pouvoir réutiliser le même plastique un nombre de fois illimité sans incidence sur la qualité du produit recréé après. Cela concerne moins de 2% des plastiques du fait du nombre important de fibres de plastiques, de couleurs et de polymères utilisés.
Le recyclage du plastique est-il un mythe ?
Le souhait de vouloir recycler à l’infini le plastique va nécessiter un changement de fonctionnement et de paradigme. Pour recycler en circuit fermé il va falloir :
- Collecter le plastique
- Trier le plastique par polymère
- Décontaminer le plastique
- Repolymériser le plastique (à cause de la perte de qualité lors du procédé du recyclage)
Collecter le plastique va nécessiter de l’énergie et plusieurs contraintes. Il faut un maillage fort au niveau national pour que le plastique n’ait pas besoin de faire des centaines de kilomètres en permanence pour arriver au centre de tri.
Trier le plastique par polymère va de plus nous obliger à diminuer les typologies de plastiques employés. Aujourd’hui un système de classification les tries en 7 catégories, mais il y en a bien plus :
- Polyéthylène téréphtalate (PET) (plastique le plus utilisé pour les bouteilles de soda et les emballages alimentaires et le rare à pouvoir être utilisé en recyclage fermé)
- Polyéthylène Haute densité (HDPE) (plastique employé pour les bouteilles et flacons de produits ménagers)
- Le Polychlorure de Vinyle (PVC) (utilisé dans les supermarchés pour emballer le fromage et la viande. Ce plastique ne se recycle que peu et rejette dioxines et substances cancérigènes (BPA))
- Polyéthylène basse densité (LDPE) (surtout employé pour les sacs et emballages plastiques, compliqué à recycler car très fin)
- Polypropylène (PP) (employé un peu partout, il ne peut être recyclé que plusieurs fois avant de devoir être incinéré)
- Polystyrène (PS) (on ne le présente plus, bien que recyclable, mais pas infiniment, il faut le déposer dans un centre de tri spécialisé)
- Les autres (malheureusement la liste est longue et bien souvent des alliages de plastiques sont réalisés, rendant le recyclage proche de l’impossible)
Pour recycler il faudra donc rationaliser les typologies de plastiques utilisés pour permettre aux centres de tri et usines de recyclage d’optimiser leurs spécialisations. Les plastiques collectés pourront alors être plus rapidement triés et l'ensemble pourra alors viser d'être recyclé efficacement. Le chemin à parcourir est donc encore très long et atteindre le zéro déchet n'est hélas pas encore au programme à ce stade.
Bien qu'il faille encourager le recyclage car nous avons déjà beaucoup de plastique existant, on comprend mieux pourquoi nous n’arrivons pas à recycler comme on est supposé a y parvenir. Il n’y a que le PET qui permettrait de faire un recyclage en circuit fermé. Aujourd’hui seulement 50% des bouteilles PET sont recyclées et seulement 10% des bouteilles en plastiques du marché sont à base de plastique recyclé.
Les raisons l'expliquant relève de la santé mais surtout économiques. Le plastique recyclé coûte aujourd’hui plus cher que le plastique neuf, du fait de l'ensemble des étapes préalables au procédé de recyclage. Collecte, tri, nettoyage et décontamination ont un coût. Il est donc moins coûteux de faire produire de nouveaux emballages et de s'abriter derrière des arguments sanitaires.
Se diriger vers une consommation responsable, écologique et surtout respectueuse est le seul moyen de supprimer le problème. Accuser le consommateur dans sa consommation n’est pas la solution. Le dédouaner des responsabilités environnementales en promettant monts et merveilles du recyclage, non plus. Il faut arrêter de produire des déchets et opter pour des matériaux écologiques et les alternatives biodégradables comme le verre, l’acier et les tissus naturels. Le plastique ne doit être employé là ou aucune autre solution est possible et seulement celui dont nous connaissons le traitement et le recyclage de A à Z.